samedi 3 janvier 2015

Lapoujade sur Deleuze



Ce qui fait de Deleuze, les mouvements aberrants un bon livre : certaines exigences.

Lapoujade annonce l’œuvre de Deleuze comme une encyclopédie de « mouvements aberrants », mais ne se lance pas dans la recension de cette encyclopédie. Il rapporte plutôt les mouvements à la question du fondement. Celle-ci est platonicienne (sélection des prétendants), kantienne (distinction des principes empiriques et des principes transcendantaux), et plus fondamentalement cadastrale (distribution des terres) parce que d’abord politique (les prétendants sont des populations, leurs revendications sont territoriales). Ainsi vont s’articuler Différence et répétition (DR) et Mille plateaux (MP) sur cette question du fondement qui les tient ensemble. DR la prenant sous l’angle d’une conservation et d’un renversement du platonisme, qui dépasse aussi le kantisme dans un empirisme transcendantal. MP sous l’angle de la Terre et de la politique des populations-multiplicités de tous ordres qui la peuplent.

On en est là à la fin du chap. 1. Ensuite, le livre suit le fil d’une lecture qui va de DR (chap. 2 à 4) à MP (chap. 7 à 9), en passant par Logique du sens (chap. 5), L'Anti-Oedipe (chap. 6). Le chap. 10 conclut sur une vision, Deleuze comme voyant d’un Désert, où de très nombreux éléments sont repris. Au fil de la lecture centrale, chap. 2 à 9, des ponts sont jetés, d’abord de DR à MP ou inversement, et des autres livres vers DR et MP. Le double diptyque (DR et LS forment un premier diptyque, AO et MP un second, co-signé avec Guattari) est ainsi labouré d’un bout à l’autre, et la hiérarchie établie par Deleuze entre ses productions est bien respectée. Telles sont les exigences de Lapoujade. La barre est ainsi placée bien haut.