Ce qui fait de Deleuze, les mouvements aberrants un bon
livre : certaines exigences.
Lapoujade annonce l’œuvre de Deleuze comme une encyclopédie de
« mouvements aberrants », mais ne se lance pas dans la recension de
cette encyclopédie. Il rapporte plutôt les mouvements à la question du
fondement. Celle-ci est platonicienne (sélection des prétendants), kantienne
(distinction des principes empiriques et des principes transcendantaux), et
plus fondamentalement cadastrale (distribution des terres) parce que d’abord politique
(les prétendants sont des populations, leurs revendications sont
territoriales). Ainsi vont s’articuler Différence et répétition (DR) et Mille plateaux (MP) sur cette question du fondement
qui les tient ensemble. DR la prenant sous l’angle d’une conservation et d’un
renversement du platonisme, qui dépasse aussi le kantisme dans un empirisme
transcendantal. MP sous l’angle de la Terre et de la politique des
populations-multiplicités de tous ordres qui la peuplent.
On en est là à la fin du chap. 1. Ensuite, le livre suit le
fil d’une lecture qui va de DR (chap. 2 à 4) à MP (chap. 7 à 9), en passant par
Logique du sens (chap. 5), L'Anti-Oedipe (chap. 6). Le chap. 10 conclut sur une vision, Deleuze comme
voyant d’un Désert, où de très nombreux éléments sont repris. Au fil de la
lecture centrale, chap. 2 à 9, des ponts sont jetés, d’abord de DR à MP ou
inversement, et des autres livres vers DR et MP. Le double diptyque (DR et LS forment un premier diptyque, AO et MP un second, co-signé avec Guattari) est ainsi
labouré d’un bout à l’autre, et la hiérarchie établie par Deleuze entre ses
productions est bien respectée. Telles sont les exigences de Lapoujade. La barre est
ainsi placée bien haut.